Par Denise Paré-Julien

Le processus de transition d’une entreprise familiale dure plusieurs années et comprend à la fois le transfert de leadership et de propriété. Ces deux processus se font rarement en même temps et exigent des démarches très distinctes.

Le transfert de leadership se fait graduellement, tandis que le transfert de propriété se fait lors d’une transaction ou d’une planification souvent basée sur des considérations fiscales ou, dans certaines circonstances, lors du décès du propriétaire.

Le leadership exige également un long processus de préparation, de formation, d’évaluation et de sélection, avec des critères définis au préalable. Lors du transfert de propriété, il est rarement question de préparation ou de formation pour les nouveaux actionnaires.

Vu les différences de processus, les compétences nécessaires à l’accompagnement de ces deux transferts sont très différentes. Le leadership exige des compétences sur le développement du savoir-être, tandis que la propriété requiert une expertise financière, fiscale et légale.

Transferts de pouvoir

Le transfert de propriété n’implique pas nécessairement le transfert du pouvoir décisionnel, car, par exemple, le chef d’entreprise peut détenir 100% des droits de vote, via ses actions privilégiées, tout en ayant transféré une grande partie des actions ordinaires à la génération montante. Il en va de même quelquefois lors du transfert de leadership; l’autorité est transmise via le nouveau poste ou le nouveau rôle, mais le véritable pouvoir peut toujours demeurer entre les mains du chef d’entreprise.

Les étapes

Le processus de transfert de leadership comprend une étape de préparation à la fois du successeur et du chef d’entreprise, qui ont chacun des tâches distinctes à accomplir. Le successeur doit acquérir de la crédibilité au sein de l’entreprise, tandis que le leader actuel doit apprendre à partager le pouvoir et l’autorité. Ensemble, leurs défis sont multiples : articuler une vision commune, partager les responsabilités et créer des mécanismes de prise de décision. Cette étape de règne conjoint peut durer des décennies et a une incidence directe sur tous les aspects de l’entreprise; il y aura des changements souvent majeurs sur les structures décisionnelles et les priorités stratégiques, pour ne nommer que celles-ci. Parallèlement, il est crucial de légitimer la génération montante auprès de tous les intervenants, du banquier aux clients, en passant par les fournisseurs, afin d’assurer le succès du transfert de leadership. Le processus de légitimer les successeurs découle des traditions ancestrales qui soulignaient le passage à l’âge adulte.

Le processus de transfert de propriété est moins visible à l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise familiale et est souvent planifié avec des experts en vase clos, sans conversation préalable avec la génération montante. Les considérations sont plutôt financières et fiscales. On se doit d’assurer la sécurité financière du chef d’entreprise, de sa famille et de préserver le patrimoine familial pour les générations futures. On doit également éviter de fragiliser les finances de l’entreprise et détenir les couvertures d’assurance nécessaires pour faire face à toute éventualité. Le chef d’entreprise qui est souvent aussi le chef de la famille doit jongler avec des notions telles que l’équité versus égalité. Dois-je transférer des parts égales à tous mes enfants, même ceux et celles qui ne travaillent pas au sein de l’entreprise? Est-ce vraiment équitable ?

Plusieurs modèles de transferts

Les modèles de transferts varient; certaines familles optent pour le transfert de leadership en simultané avec le transfert de propriété, tandis que d’autres ne se préoccupent pas de coordonner les deux transferts. Il y a également ceux qui choisissent des gestionnaires non familiaux pour gérer l’entreprise tout en gardant les titres de propriété au sein de la famille.

Chaque entreprise familiale adapte son modèle de transfert aux besoins de la famille et aux exigences de l’entreprise, en tenant compte des particularités inhérentes à l’environnement dans lequel elle évolue.

 

Source originale: Les Affaires, blogue Coefficient entrepreneurial, publié le 07/07/2016