Par Denise Paré Julien

Il y a un intérêt de plus en plus marqué pour la codirection malgré le fait que ce soit peu enseigné dans les Écoles de gestion où on enseigne le leadership au singulier. Pourtant selon les nouvelles tendances et les récents sondages réalisés auprès des chefs d’entreprises, près de 40% songent à nommer des coprésidents pour les remplacer. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur ce nouveau phénomène et ont étudié les caractéristiques et les conditions inhérentes à son succès.*

L’objectif de ce papier est de présenter ces constats ainsi que de faire le parallèle avec des familles en affaires qui ont partagé avec nous leurs expériences.

Le processus de mise en place

La première étape est la préparation, ou mieux encore les conditions favorables, pour assurer d’avoir les bons atouts pour ce style de leadership. Voici quelques pistes de réflexion qui nous permettent de déterminer si les fondements sont présents dans l’écosystème.

Voici une liste de questions qui favorisent cette réflexion:

  • L’historique de l’entreprise suscite-t-elle l’intérêt de la génération montante?
  • Ont-ils une perception positive de l’entreprise?
  • Quelle a été l’expérience personnelle de la génération montante au sein de l’entreprise lors de leur passage soit comme emploi d’été ou lors de leur visite dans l’entreprise?
  • Ont-ils senti un accueil chaleureux ou du moins favorable ?
  • La dynamique familiale favorise-t-elle une complicité et une bonne communication entre les membres de la famille et ont-ils une belle complicité entre eux et du plaisir à travailler ensemble ?
  • Le rôle de la génération senior croit-elle à ce style de direction?
  • Donne- t-elle son aval à la coprésidence?
  • Saura-t-elle comment accompagner et légitimer la génération montante dans ce parcours?

Ces éléments sont essentiels pour ouvrir la porte vers une possibilité de considérer la codirection.

Une fois la porte ouverte, on entame la phase de mise en œuvre qui s’étale souvent sur une longue période, soit plusieurs années.

La génération senior maintient un rôle fort important à cette étape, elle doit continuer à soutenir ce choix de leadership et supporter les codirigeants dans leur développement.

Éventuellement un partage de propriétés maintiendra la motivation des codirigeants, il faudra toutefois maintenir la notion d’équité entre les propriétaires, car elle est essentielle pour assurer un sentiment de justice.

Afin de maintenir une certaine cohésion au sein de l’équipe, il doit avoir une division claire des tâches. Cela permet à tous et chacun de savoir qui fait quoi et qui est imputable à qui.

Une notion de séniorité est tout de même présente et doit être reconnue, car les membres de la famille ne joignent pas tous l’entreprise en même temps. Ces écarts temporels peuvent être assez prononcés. Certains ajustements seront à prévoir.

Finalement, un besoin continu de formation afin de continuer à développer les compétences et les habiletés des codirigeants est fondamental pour garantir le succès de la mise en œuvre, car il est peu probable de réussir ce style de leadership sans se soucier de s’adapter et de s’améliorer constamment.

Les avantages de la codirection

Enfin quels sont les avantages de ce style de leadership ?

La culture de l’entreprise est très influencée par les valeurs et les comportements de ses dirigeants et propriétaires. Ce phénomène est encore plus présent ou remarqué dans le contexte d’une entreprise familiale. Dans ces organisations qui présentent des codirigeants qui dirigent d’une seule voix et qui s’assurent de ne jamais montrer publiquement leur discorde, les répercussions sont évidentes: les employés sont fiers de travailler pour leurs dirigeants et s’imprègnent des valeurs qui sont véhiculées au quotidien.

On constate un effet onde dans l’organisation. Par exemple, on remarque des équipes de travail plus collaboratrices qui suscitent plus d’échanges et de co-création et nous voyons un plus grand engagement vers un objectif commun. La résolution de problème se fait également en collégialité et les structures de gouvernance offrent un support indéniable à la cohésion des équipes et tous sont engagés vers une vision commune de l’entreprise.

Cliquez ici pour voir Isabèle et François-Pierre Chevalier, coprésidents de Bio-K plus International, discuter de leur expérience de codirection.

 

*Adaptée de: John James Cater III, Roland E. Kidwell and Kerri M. Camp Successor Team Dynamics in Family Firms Family Business Review
2016, Vol. 29(3) 301–326