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Portrait de Mélissa Laflamme-Ouellet

Par Antoine Gence, Chargé de projets chez Familles en affaires 

L’après Familles en affaires, au sein de sa famille en affaires

Nous sommes heureux de vous présenter le parcours de relève de Mélissa Laflamme-Ouellet. Mélissa était chargée de projets pour Familles en affaires – HEC Montréal jusqu’à juin 2021, date à laquelle elle a rejoint l’entreprise familiale.

1) L’Histoire de l’entreprise familiale et son développement

Le projet familial commence au milieu des années 80 avec la volonté d’André Ouellet (grand-père de Mélissa) et de son gendre, Sylvain Laflamme (père de Mélissa) de se lancer en affaires. André, alors comptable dans une société de transport, il constate que les marchandises alimentaires brisées sont rachetées par les transporteurs qui ne savent toutefois pas comment valoriser ces marchandises. C’est face à cette constatation qu’il a l’idée d’acheter ces stocks de marchandises alimentaires brisées aux transporteurs et de les revendre à petit prix. Ainsi, André et Sylvain décident de lancer « Surplus Ouellet » en 1988, un magasin alimentaire dans la ville de Québec. Dès le début de cette nouvelle aventure entrepreneuriale, le caractère familial de l’entreprise est présent puisque plusieurs membres de la famille (grand-mère et tante) s’impliquent pour faire fonctionner le magasin. En 2008, André a fait le constat que l’épicerie et ses activités sont bien structurées grâce à son gendre à qui il proposa de lui vendre l’ensemble de ses parts, afin de pouvoir prendre sa retraite. Pour Sylvain qui venait de prendre le contrôle de l’entreprise familiale, la conservation de l’activité par les membres de la famille n’était pas une priorité. Il encouragea davantage ses enfants à faire des études et à faire carrière dans des secteurs plus lucratifs et avec de meilleures conditions de travail. 

C’est en 2016 qu’une opportunité de se développer dans des locaux plus grands a poussé le dialogue dans la famille. En effet, Mélissa, alors âgé de 26 ans, ne s’imagina pas prendre en charge ce nouveau projet seul. Toutefois, Jean-François, le frère de Mélissa, était très intéressé par le potentiel que représentait cet agrandissement. Il décida donc de rejoindre l’entreprise en 2016 pour épauler son père dans ce projet. En plus de déménager les activités de l’entreprise dans le nouveau local trois fois plus grand, l’image de marque fut retravaillée, l’épicerie est alors renommée Panier Extra. Mélissa, alors même qu’elle travaillait dans une autre entreprise, elle a participé au développement du site web, des réseaux sociaux et des campagnes publicitaires. Ses efforts en communication assurent une belle croissance et un bon positionnement de l’entreprise auprès des familles de Québec.

2) Le parcours de Mélissa

En terminant son baccalauréat en administration de l’Université Laval en 2012, Mélissa n’avait pas l’objectif de joindre l’entreprise familiale. Elle occupa différents postes où elle a acquis plusieurs compétences telles que la gestion d’un CRM, la communication interne et externe et le développement de site web. C’est à travers son expérience de chargée de projet chez Familles en affaires qu’elle suit des ateliers et des formations sur le repreneuriat familial qui lui permettent de reconsidérer l’entreprise familiale comme une avenue professionnelle intéressante. Il est cependant clair pour Mélissa qu’elle ne joindrait pas l‘entreprise familiale en l’état, mais elle était motivée par l’idée de créer un projet commun en famille. C’est en 2020 qu’une opportunité d’acheter une nouvelle épicerie (Marché Bonichoix) se présente à la famille. Cette acquisition amenait de nouveaux défis auxquels Mélissa s’identifiait, c’est donc en 2021 que Mélissa décida de faire le saut dans l’aventure familiale en participant à l’acquisition de cette nouvelle épicerie avec son père et son frère. C’est en juin 2021 qu’elle les rejoint à temps plein. Mis à part le soutien fiscal et juridique lors de l’acquisition de la nouvelle entité, la famille ne s’est pas fait accompagner dans le processus de transfert. Mélissa riche de son parcours chez Familles en affaires – HEC Montréal, elle partage ses apprentissages à son frère et à son père pour assurer le bon déroulement du transfert. À titre personnel, elle se fait aussi accompagner par un mentor de Réseau mentorat qui est lui-même issu d’une famille en affaires et qui l’aide à gérer les enjeux et les doutes qu’elle peut rencontrer. Dès son intégration dans l’entreprise familiale, Mélissa souhaitait se familiariser avec l’ensemble des activités de l’entreprise afin de bien comprendre le fonctionnement d’une épicerie et l’étendue des processus à faire évoluer, afin de bâtir sa légitimité. Toutefois, le transfert de connaissance entre son père et elle demeure un défi important, car comme beaucoup d’entrepreneurs, Sylvain a beaucoup de connaissances sur le fonctionnement de l’entreprise que lui seul connaît et qui ne sont pas ou très peu documentés. Un des mandats sur lesquels travaille Mélissa portait donc sur la définition et l’enregistrement de ces processus. Rapidement après son arrivée dans l’entreprise, une situation a fait en sorte que Mélissa a dû gérer deux épiceries en même temps pendant plusieurs mois. Bien que cet épisode fût éprouvant à gérer, cette épreuve a été très formatrice pour elle et a renforcé sa crédibilité auprès des parties prenantes. Aujourd’hui, après quelques mois à apprendre à travailler avec son père et son frère, Mélissa est heureuse de dire qu’elle partage une profonde complicité et une belle complémentarité professionnelle avec son frère. En effet, il est très centré sur les opérations et les activités de « plancher » alors qu’elle est très organisée et a de bonnes habiletés de gestion. Ensemble, ils forment une équipe soudée prête à relever les défis d’avenir de l’entreprise.

3) La vision d’avenir

L’objectif de Mélissa, dans les prochaines années, va être d’assurer le transfert des connaissances de son père pour lui permettre de prendre une retraite bien méritée. Elle souhaite, par la suite, utiliser ses expertises en gestion, développées lors de ses expériences professionnelles précédentes, afin de les mettre à profit de l’entreprise familiale. Cette professionnalisation des activités est une priorité pour eux, afin de dépasser le seuil de développement qu’ils ont atteint et assurer une croissance à long terme. Enfin, pour structurer le risque lié à leur activité, ils planifient aussi la création d’une société immobilière afin de sortir les actifs immobiliers de l’entreprise.

Nous souhaitons nos plus sincères souhaits de réussite à Mélissa et à son frère dans leur projet de reprise !

Portrait de Mélissa Laflamme-Ouellet2022-05-27T12:07:29-04:00

Identifier notre culture d’entreprise

Par Catherine S Beaucage, Directrice transfert et rayonnement chez Familles en affaires 

La culture organisationnelle est quelque chose d’intangible mais de perceptible. Chez certaines entreprises, la culture se capte dès que nous sommes en contact avec elle et son équipe, alors que pour d’autres, celle-ci est plus subtile. Il est souvent mentionné que les entreprises familiales réussissent à créer des cultures organisationnelles fortes et donc, facilement reconnaissables. Ceci peut certainement s’expliquer par le fait que ces entreprises reposent souvent sur un héritage culturel de plus d’une génération.  

Que nous existions en tant que famille en affaires depuis une génération ou plus de trois générations, il est toujours intéressant de se pencher sur sa culture pour la valider et potentiellement l’actualiser afin qu’elle soit en cohérence avec son temps. Pour ce faire, il est important de bien comprendre de quoi celle-ci se compose et comment nous arrivons à la faire vivre au quotidien.  

D’où vient notre culture ? 

Cette culture organisationnelle prend racine dans les fondements de l’entreprise : la mission, les valeurs et l’histoire de l’entreprise.  

La mission :  

La mission de l’entreprise doit répondre à la question « Pourquoi l’entreprise existe-elle? »  Cette mission n’est pas un énoncé que nous définissons sur le coin d’une table, elle doit être réfléchie puisqu’elle suit l’entreprise sur le long terme et influence l’ensemble des décisions stratégiques de l’entreprise. C’est pour cette raison que la réponse à cette question doit aller au-delà des produits et services que l’entreprise produit puisque ceux-ci seront amenés à évoluer au fil du temps.  

Quand cette mission est définie, partagée et connue de tous les membres de l’entreprise, elle devient réellement une racine de la culture puisqu’elle oriente toutes les décisions de l’entreprise et donne du sens au travail de l’équipe, et ce, de la présidence aux équipes opérationnelles.  

Les valeurs :  

Les valeurs dictent les savoir-être non négociables et attendus au sein de l’entreprise. Elles influenceront ainsi les profils recherchés lors de l’embauche et les comportements attendus au sein de l’entreprise. Dans une entreprise familiale, ces valeurs sont généralement très proches des valeurs de la famille et, bien qu’actualisées au fil du temps, elles découlent souvent de l’histoire de l’entreprise.  

L’histoire de l’entreprise :  

L’histoire de la fondation de l’entreprise et des grands moments dans l’évolution de celle-ci est un élément important de la culture de l’entreprise. Comme nous l’avons vu plus haut, elle impacte les valeurs clés de l’entreprise, mais est aussi à la base de certains éléments de fonctionnement et de traditions présents dans l’entreprise.  

La documentation et le partage de cette histoire sont un exercice fort intéressant afin qu’elle vive au-delà des générations. C’est de cette façon qu’elle participera au maintien de la culture de l’entreprise. Vous serez étonné de remarquer à quel point cette histoire, que d’autres appel le mythe fondateur de l’entreprise, peut devenir une boussole vers laquelle les différentes générations peuvent se référer de temps en temps.  

Cette documentation peut se faire soi-même ou se faire en accompagnement. Nous avons justement rencontré une entreprise qui se spécialise dans la documentation des histoires de famille (voir plus bas pour la référence). Quelquefois, un petit coup de main peut vous aider à concrétiser le projet. 

Comment identifier la culture :  

Une fois que nous avons compris ce qui est à la base de la culture d’entreprise, il est intéressant de l’identifier. Cette identification vous permet de la rendre plus tangible et de réellement la faire vivre au quotidien dans votre entreprise et cela vous permet aussi de la remettre en question et de la faire évoluer si vous sentez que celle-ci n’est plus alignée avec l’époque et vos aspirations.  

Comment mentionné précédemment, nous pouvons identifier la culture en regardant des éléments stratégiques comme la mission et les valeurs de l’entreprise, mais nous pouvons aussi la percevoir au niveau de la vision que l’entreprise se donne. En effet, les priorités stratégiques de l’entreprise que nous retrouvons dans la vision sont souvent très liées à la culture actuelle ou visée de l’entreprise. C’est justement en regardant vos priorités stratégiques visées que vous pourrez évaluer si votre culture est toujours bien alignée à vos aspirations. Si ce n’est pas le cas, il est toujours possible de la revisiter en actualisant, entre autres, votre mission, vos valeurs et vos pratiques organisationnelles puisque la culture se véhicule souvent à travers les différentes pratiques organisationnelles en place.  

En effet, sans que nous nous en rendions toujours compte, la culture d’entreprise est derrière plusieurs de nos modes de fonctionnement.  

Dans un premier temps, nous pouvons la reconnaitre dans les traditions mises en place dans l’entreprise. Parmi les traditions, nous retrouvons, par exemple, les célébrations, les activités sociales, les rituels, etc.   

Dans un second temps, nous pouvons aussi reconnaitre notre culture à travers nos différents modes de fonctionnement. Par exemple, notre type de structure organisationnelle, nos types de réunions d’équipe, la circulation de l’information et son niveau de transparence, nos politiques internes, nos principaux indicateurs de performance, etc.   

Nous aborderons un peu plus tard dans l’année, l’impact de votre culture sur le développement stratégique de votre entreprise familiale et de votre famille en affaires. Toutefois, d’ici là, n’hésitez pas à commencer à identifier votre culture ou à la formaliser avec l’identification de votre mission et de vos valeurs et la documentation de l’histoire de votre entreprise.  

 

Référence pour la documentation de l’histoire :  

https://www.lessouvenirspartages.fr/  

Identifier notre culture d’entreprise2022-04-25T14:06:05-04:00

Entrevue avec le professeur Katsuyuki Kamei sur la santé des entrepreneurs

Par Antoine Gence, chargé de projets chez Familles en affaires 

En prévision du Rendez-vous des Familles en affaires qui portera sur la santé des entrepreneurs, il nous a paru intéressant d’apporter une perspective internationale. Nous avons donc échangé avec M. Katsuyuki Kamei, professeur en management du risque à l’université de Kansai au Japon, dont les principaux centres d’intérêt portent sur l’entrepreneuriat familial et la santé des entrepreneurs.

Antoine Gence (AG) : En guise d’introduction, pouvez-vous nous présenter les origines de la recherche sur la santé des entrepreneurs ?

Katsuyuki Kamei  (KK) : Le pionnier de la recherche sur la santé des entrepreneurs est le professeur Olivier Torrès. Il a ouvert cette voie de recherche en 2009.  À travers ses études sur la santé des entrepreneurs en PME, il a développé le concept de la « balance de la santé entrepreneuriale » où la santé résulterait d’un équilibre entre des facteurs « saluthogènes » (ce qui est bon pour la santé) et des facteurs pathogènes (ce qui est mauvais pour la santé). En effet, par sa position de dirigeant, l’entrepreneur, trouve un certain plaisir à être créateur. Il est libre de son destin et récolte les revenus de son travail et de ses choix (facteurs saluthogènes). Toutefois, de l’autre côté, son travail et ses fonctions l’amènent à supporter d’importantes charges de travail, à gérer un stress issu de toutes les incertitudes liées à son activité et à vivre un certain isolement (facteurs pathogènes).

AG : Quand parlons de santé des entrepreneurs, le sujet semble très vaste, pouvez-vous nous préciser ce qu’il englobe ?

KK : Il s’agit de comprendre la relation entre les comportements de l’entrepreneur et son état de santé. La santé peut être analysée sous un spectre très large qui comprend l’état de santé général, la santé mentale, le stress, la tendance au burnout, les troubles du sommeil et alimentaires, pour ne citer que les plus importants. En somme, ce champ d’étude s’interroge sur comment la santé des dirigeants influence les affaires qu’ils mènent.

AG : Afin de bien comprendre l’importance du sujet, pouvez-vous nous expliquer l’impact de la santé des entrepreneurs, tant du point de vue de l’individu que du point de vue de l’entreprise ?

KK : Pour répondre à cette question, il est pertinent de se centrer sur les étapes charnières de la vie d’un entrepreneur. Avant de se lancer en affaires, au moment de la création d’une entreprise ou d’une reprise, le souhait du succès et la peur de l’échec pèsent sur la santé générale de l’entrepreneur (conséquences du stress sur la qualité du sommeil et sur la santé mentale). Cette condition vient dégrader l’efficacité de l’entrepreneur dans ses tâches et elle impacte sa capacité à prendre de bonnes décisions pour son entreprise.

Une fois l’entreprise établie, l’entrepreneur doit gérer les enjeux courants liés à la gestion de l’entreprise et assurer son développement. Ces éléments constituent des sources de stress qui ont les mêmes conséquences qu’au démarrage.

Enfin, après plusieurs années à la tête de l’entreprise, les entrepreneurs rencontrent des difficultés à assurer la transmission de celle-ci, ce qui peut créer une importante source d’anxiété pour le potentiel cédant.

En contexte de PME, le ou la PDG joue un rôle central pour l’organisation.  Les enjeux de santé vécus par l’entrepreneur vont donc impacter la réalisation de ses tâches opérationnelles et stratégiques, ce qui entraîne des conséquences directes sur la performance de l’organisation.

AG : Quand il est question de santé physique ou mentale, quels sont les signes auxquels un entrepreneur devrait être attentif et à partir de quand ces signes deviennent préoccupants ?

KK : Comme expliqué précédemment, le stress a des conséquences indirectes sur la santé. Prof. Florence Guiliani  explique que le premier signe auquel il faut être attentif sont les troubles du sommeil. Ce serait le premier impact lié aux facteurs pathogènes. Dans un deuxième temps, les troubles du sommeil peuvent engendrer une dégradation de la santé mentale. Enfin, les troubles de la santé mentale (combinés aux troubles du sommeil) ont un impact sur la santé physique de l’entrepreneur. Ainsi, les conséquences sur la santé s’avèrent être un cercle vicieux dramatique pour l’entrepreneur. Ces signes deviennent donc préoccupants dès que des troubles du sommeil sont perçus et dès que l’entrepreneur ne parvient pas à « déconnecter » de son entreprise.

AG : Quels sont les facteurs ou les conditions qui viennent impacter la santé des entrepreneurs et, au contraire, quels sont les facteurs ou les conditions qui viennent limiter cet impact ?

KK : Pour répondre à cette question, il est pertinent de revenir sur la balance de la santé entrepreneuriale du Prof. Torrès. À cet effet, un entrepreneur a intérêt à limiter les facteurs « pathogènes » et à optimiser les facteurs « saluthogènes ». Voici une liste d’exemples de quelques facteurs :

Facteurs pathogènes :

  • Le travail sur de trop longues heures
  • Le manque de séparation entre le travail et le temps personnel
  • Le manque du sommeil
  • Les mauvaises habitudes alimentaires
  • La consommation d’alcool ou de drogues

Ce sont tous ces aspects négatifs qui génèrent : stress, solitude, angoisse pour l’avenir, surcharge (Olivier Torrès  , 2012)

Facteurs « saluthogènes » :

  • Un sentiment d’accomplissement
  • De la reconnaissance
  • Une bonne rémunération
  • La maîtrise de son destin

Ce sont tous ces aspects qui génèrent de l’optimiste.

AG : Est-ce qu’il existe des différences dans le domaine de la santé pour les entrepreneurs familiaux et non familiaux ?

KK : Dans le cas des entrepreneurs familiaux, les enjeux présentés demeurent, mais ils subissent aussi des enjeux propres à leur caractère familial. En effet, dans un contexte familial, l’enjeu de la pérennité intergénérationnelle est une priorité, mais qui n’est pas sans impact sur la santé. Par exemple, le relayeur a de plus en plus de mal à assurer un repreneuriat familial, ce qui peut lui causer une importante source d’anxiété.

La génération montante vit aussi des enjeux qui impactent sa santé puisque reprendre l’entreprise familiale n’est pas toujours un processus simple. L’entreprise n’a pas été bâtie à leur image, il peut donc être difficile pour cette nouvelle génération de prendre en charge leur nouveau rôle et de faire évoluer l’entreprise selon leur vision. Il peut aussi arriver que la relève subisse une pression supplémentaire issue de la famille au niveau de sa capacité à prendre en charge son nouveau rôle.

Tout comme la santé de l’entrepreneur influence la santé de l’entreprise, en entreprise familiale, c’est la santé de la famille qui influence la santé de l’entreprise.

AG : En quoi la période de transition en entreprise familiale est un moment charnière pour la santé des repreneurs et des entrepreneurs ?

KK : Pour les fondateurs de l’entreprise, quitter ce qu’ils ont créé génère une réelle angoisse. Ils craignent que l’on dénature ce qu’ils ont bâti et laisser leur rôle de dirigeant est vécu pour plusieurs comme un deuil. Ils doivent développer leur tolérance vis-à-vis la vision des successeurs. Pour les repreneurs, la pression peut être importante, car ils doivent gérer les attentes du relayeur et celles d’un large groupe de parties prenantes (dont la famille au premier rang). C’est un moment charnière, car ils doivent trouver un équilibre entre le respect du passé et faire évoluer l’entreprise de manière à s’adapter au marché, tout en la développant   à leur image.

AG : Il y a quelques années, le sujet de la santé était encore très tabou pour les entrepreneurs. Sentez-vous qu’il y a une ouverture face à ce sujet ? Voyez-vous déjà les bénéfices liés à cette ouverture ?

KK : Jusqu’à tout récemment, nous considérions le sujet de la santé comme un sujet personnel et non comme un problème central pour l’entreprise. Grâce aux travaux de Torrès et de Guiliani le sujet commence à être traité. Malheureusement, au Japon, les entrepreneurs ne parlent pas encore assez de santé. Malgré les efforts mis sur le sujet de la santé mentale, celui-ci n’est pas encore assez connecté à la gestion des entrepreneurs et peu de cours et de formations existent sur le sujet.

AG : Dans vos études, vous avez beaucoup travaillé sur les entreprises japonaises. Selon vous, comment la culture dans laquelle se forge un entrepreneur a un impact sur sa santé ?

KK : Le travail est une des dimensions les plus importantes de la vie des Japonais. Ils considèrent le fait de ne pas compter leurs heures comme étant une grande qualité pour un travailleur. En valorisant le travail de cette manière, les Japonais ont été éduqués avec une frontière très floue entre le repos/plaisir et le travail. Ce manque de frontière les amène à beaucoup travailler et à avoir du mal à se déconnecter de leur entreprise.

Ces facteurs pathogènes issus de la culture japonaise ont de nombreuses conséquences sur la santé des entrepreneurs japonais qui subissent, malheureusement, beaucoup de stress, des troubles du sommeil et de nombreux burnout.

AG : Pour conclure, quels conseils ou bonnes pratiques suggéreriez-vous à un entrepreneur pour veiller sur sa santé globale ?

KK : Voici quelques conseils que je pourrais donner à un entrepreneur :

  • Gérer votre temps pour que celui-ci n’impact pas votre santé.
  • Valoriser l’importance de la qualité et du temps de sommeil.
  • Prendre le temps de faire le point, de manière objective, sur sa santé physique et mentale sur une base régulière.
  • Suivre les 8 règles pour ne pas faire de « burnout » :
  • Travailler activement pour améliorer la situation.
  • Être positif.
  • Reconnaître son utilité.
  • Prendre ses propres décisions.
  • Savoir s’affirmer.
  • Obtenir de l’aide des autres quand on en a besoin.
  • S’aimer et aimer les autres.
  • Avoir de l’ambition.

Bibliographie  :

Torrès, O. (sous la direction de)(2017) La Santé du dirigeant : de la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, 2e édition, De Boeck

Kaneko, S., Ogyu, H., Torrès, O. et Kamei, K.,“Mental Health of Managers of Small and Medium Enterprises as Seen from the Viewpoint of Risk Management” Journal of Disaster Research, Vol.6 No.2, 2011, pp.204-211.R

La citation est en bas de page (je verrai comment l’intégrer en ligne ) [ag4]

Entrevue avec le professeur Katsuyuki Kamei sur la santé des entrepreneurs2022-03-16T13:59:38-04:00

Portrait de Léopold Marraud des Grottes

Par Catherine S Beaucage, Directrice transfert et rayonnement chez Familles en affaires 

L’origine : La beauté peut changer le monde

À l’origine d’Élitis, il y a un homme visionnaire, Patrice Marraud des Grottes, entrepreneur français qui avait le désir d’apporter quelque chose de différent et de transformatif dans le monde de la décoration d’intérieur. Marqué par plusieurs événements majeurs dont la Biennale de Paris, Patrice Marraud des Grottes décide de créer Elitis en 1988, porté par l’idée selon laquelle « la beauté peut changer le monde ».

 

Le développement

Pour initier ce projet entrepreneurial, Patrice Marraud des Grottes a la chance de bénéficier du soutien de ses soeurs. Et c’est autour de ce travail collectif et familial que les piliers de l’entreprise Elitis se construisent. Patrice Marraud des Grottes a d’ailleurs à coeur de valoriser cette conception d’une entreprise, une vocation et une vision servies par une famille.

Au fur et à mesure du développement d’Elitis, des employés rejoignent progressivement ce premier noyau familial et se voient intégrés avec la même chance que les membres de la famille Marraud des Grottes.

Afin de préserver l’innovation et la créativité, Patrice Marraud des Grottes opte très tôt pour un management centré sur l’Humain, très peu hiérarchique et très peu cloisonné.

 

L’histoire de Léopold Marraud des Grottes, membre de la 2e génération

Parallèlement à cette aventure entrepreneuriale, Patrice Marraud des Grottes devient également le père de trois garçons, qui vivent pleinement le développement de l’entreprise Elitis au rythme des voyages d’affaires et des récits de leur père. Pour l’un d’entre eux notamment, Léopold Marraud des Grottes, chaque moment de retrouvailles représente un souvenir extraordinaire, où il est captivé par les récits de son père. Enfant, il s’imagine Grand Reporter, faisant lui aussi le tour du monde!

Devenu jeune étudiant, il s’oriente vers une formation commerciale à l’ISEG dans la branche SUP, spécialisée en finance et en commerce international, absorbé aujourd’hui par l’ISG. Puis, sur les conseils de son père, Léopold complète cette formation par un MBA à l’université St. John’s de New York en 2007. C’est ainsi que le jeune homme découvre l’univers de la musique électronique, où il débutera sa carrière dès 2008 en tant que Manager de tournées au sein d’un label de musique à Berlin en Allemagne.

 

Le passage au sein de l’entreprise familiale

Cette première expérience professionnelle dans le secteur de l’événementiel musical est riche d’enseignements pour Léopold.  

Rapidement, Patrice Marraud des Grottes propose à son fils de mettre à profit son énergie et son désir d’expérience au sein de l’entreprise familiale. Il évoque notamment avec lui l’un des axes de développements majeurs pour Elitis : poursuivre le développement des canaux de distribution et des showrooms à l’international.

C’est ainsi que Léopold Marraud des Grottes rejoint l’aventure familiale en 2011 en tant que responsable commercial export. Conjointement avec Patrice, les deux hommes décident de commencer la poursuite de ce développement par le marché Nord Américain. Léopold s’installe alors à Miami pendant 2 ans pour développer les USA, puis enfin à Barcelone qui lui servira de base pour commencer à se rapprocher du siège de Toulouse et partir régulièrement sur l’UK, la Hollande, le Moyen-Orient et l’Inde.  Sur l’ensemble de ces pays, Léopold met en place un réseau de distribution et anime celui-ci par des visites intensives.

L’opération du développement d’Elitis à l’international apporte des résultats probants et Léopold Marraud des Grottes gagne ainsi en légitimité au sein de l’entreprise. C’est donc tout naturellement qu’en 2015, Patrice Marraud des Grottes évoque avec Léopold la possibilité qu’il lui succède à la tête de l’entreprise familiale.

Léopold devient donc Directeur Général d’Elitis, en co-direction avec sa cousine, Julie Marraud des Grottes. Cette gouvernance à 2 têtes est proposée par Léopold lui-même qui y voit une parfaite complémentarité de profils et de compétences nécessaire au succès de la future croissance de l’entreprise. Julie connait par ailleurs extrêmement bien l’entreprise également puisqu’elle y exerce depuis 2007.

C’est ainsi que le plan de transmission de cette belle entreprise est initié, prévoyant un transfert plus important des responsabilités et des pouvoirs en 2020.

De retour à Toulouse, après ses années de développement à l’international, Léopold endosse progressivement ses nouvelles responsabilités de Directeur Général. Il souhaite faire évoluer le mode de gestion, certains processus et certains outils technologiques.

Pour se donner davantage d’aptitudes managériales, il démarre en Juin 2021 à l’INSEAD une formation d’Executive Coaching.

 

Vers un rôle plus stratégique

En Mars 2020, comme toutes les entreprises de la planète, Elitis est touchée par le 1er confinement. Souhaitant sécuriser la situation de l’entreprise dans cette période de forte incertitude, le fondateur, Patrice Marraud Des Grottes, décide de réintégrer Elitis.

Cette période de co-gestion avec Patrice et Julie, amène Léopold à réaliser que sa valeur ajoutée la plus grande ne se situe pas au niveau de la Direction Générale, mais à un niveau plus stratégique en tant qu’analyste ainsi qu’au sein du Conseil d’Administration.

Portrait de Léopold Marraud des Grottes2022-03-08T13:06:25-05:00

Rendez-vous des Familles en affaires décembre 2021

Le 3 décembre 2021, l’équipe de Familles en affaires a présenté notre deuxième édition de la série LES RENDEZ-VOUS DES FAMILLES EN AFFAIRES, où nous avons traité le sujet du repreneuriat féminin.

Un grand merci à nos repreneures invitées, Nellie Robin du Groupe Robin et Éloïse Harvey de EPIQ Machinery pour leurs témoignages. Merci aussi à nos invités experts, Tania SabaSophie DucharmeStéphane BourgeoisJoseph Lucciola,  et Catherine S Beaucage, qui nous ont permis d’approfondir le sujet.

Un grand merci à nos partenaires: la Banque Nationale et la Revue Gestion.

Si vous n’avez pas pu assister à l’événement, il est possible de consulter la conférence en rediffusion:

Rendez-vous des Familles en affaires décembre 20212022-01-05T16:30:23-05:00

Rendez-vous des Familles en affaires juin 2021

Le 9 juin 2021, l’équipe de Familles en affaires a présenté notre première édition de la série LES RENDEZ-VOUS DES FAMILLES EN AFFAIRES, où nous avons traité l’une histoire bien particulière : celle de François Rioux, président d’Edphy International, et de son relayeur Luc Dubois. Après 7 ans sans s’adresser la parole, ils ont accepté de témoigner de leur expérience de transfert difficile, et ce, en toute authenticité.

Les échanges avec les experts nous ont permis de mettre en lumière les meilleures pratiques qui auraient pu leur permettre d’éviter bien des tracas avant, pendant et à la suite de la transaction.

Rendez-vous des Familles en affaires juin 20212022-01-05T16:11:30-05:00

Séance d’information Circuit 2021-2022

Le 31 mars 2021, l’équipe de Familles en affaires a présenté une séance d’information destiné aux personnes intéressés à s’intégrer dans une des entreprises de leur parent. Au cours de cette présentation sur notre programme Circuit – Sur la voie de la relève, ils ont pu déterminer comment celui-ci leur permettrait de les accompagner et de les outiller dans ce processus de réflexion. 

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce programme cliquez-ici.

Séance d’information Circuit 2021-20222022-01-05T15:53:24-05:00

Discussion sur l’accompagnement des familles en affaires avec Samia Zoheir

Par Antoine Gence, chargé de projet, et Catherine S Beaucage, directrice transfert et rayonnement chez Familles en affaires 

Lors de notre atelier Bâtir les fondations de votre conseil de famille, en octobre dernier, les participants ont assisté à une discussion entre Samia Zoheir, consultante en continuité d’entreprise et accompagnatrice de familles en affaires, et Catherine S Beaucage, directrice transfert et rayonnement chez Familles en affaires. Le sujet portait sur l’accompagnement des familles en affaires. Afin de donner suite à cette discussion, nous l’avons recontactée pour approfondir le sujet.  

Familles en affaires (FeA) : Selon toi, quels sont les éléments les plus importants dans une relation accompagnateur et familles en affaires ? 

Samia Zoheir (SZ) : Pour assurer la bonne qualité de la relation entre l’accompagnateur et la famille, il y a d’abord la nécessité de valider l’alignement entre les domaines d’expertises de l’accompagnateur, les besoins et les attentes de la famille. Ce premier seuil de validation permet de confirmer que la collaboration est pertinente et adéquate.  

Il est crucial, en tant qu’accompagnateur, de délimiter notre mandat et de connaître nos limites d’expertise. Ces frontières doivent être établies en début de mandat pour assurer l’efficacité et la légitimité de l’accompagnateur dans ce processus.  

Il peut arriver que les besoins ne soient pas bien identifiés par la famille elle-même et c’est correct. Généralement, quand le besoin est clairement énoncé par la famille, c’est parce qu’il y a un élément déclencheur (ex : un enjeu de santé, un conflit, un manque de communication, identifier la relève, etc.) Toutefois, que le besoin soit clairement défini ou non, celui-ci s’affine toujours à travers les premières discussions avec le consultant.  

L’alignement doit aussi être validé au niveau des valeurs et du type d’approche utilisée par l’accompagnateur. Cette validation est importante considérant que l’accompagnement des familles est souvent émotionnel et peut être difficile, par moment. Partager les mêmes valeurs et s’être entendu sur un type d’intervention permet au tandem accompagnateur et famille d’évoluer sur des bases communes 

Dans le même ordre d’idée, la validation du niveau de confiance de l’ensemble des membres de la famille envers l’accompagnateur est fondamentale, puisque cette confiance est nécessaire pour bâtir un environnement propice au partage d’histoires, de sentiments, d’aspirations, de visions, etc. Ainsi, même si, initialement, la relation de l’accompagnateur est plus développée avec un des membres de la famille, il est essentiel que l’accompagnateur prenne le temps de développer une relation avec tous les membres de la famille.  

Enfin, pour assurer la continuité du processus, l’accompagnateur doit également choisir la famille. Il doit y avoir de l’amour ! Cela permet de renforcer son engagement et l’ancrer dans la relation, tout au long de la démarche. Cet ingrédient trouve tout son sens dans les moments difficiles. Il ne faut pas avoir envie de « quitter le navire ».  

FeA : Comment réalises-tu ces validations ? 

SZ : Ces validations se font à travers des entrevues d’exploration / de chimie avec les membres de la famille. En plus de ma compréhension du mandat (enjeux et défis ; besoins et attentes de la famille) et de ma capacité à y répondre (expertise ; ressources), il est important de valider l’affinité et la chimie. Cette indication intuitive me renseigne sur la qualité potentielle de la relation. Il peut arriver que je remarque certains éléments qui peuvent freiner l’accompagnement… il est important pour moi de les communiquer rapidement aux familles.  

À la suite de ces entrevues, je propose une offre de service dans laquelle je définis le mandat et ses grandes orientations (les objectifs à atteindre à priori dans la première année de l’accompagnement) ainsi que le format et les étapes de leur réalisation. Une fois que nous nous sommes entendus sur la forme et le contenu de l’accompagnement, il nous reste, en tant qu’accompagnateur, à livrer ce qui a été défini. Toutefois, la flexibilité reste de mise, car il peut arriver que des priorités forcent l’actualisation des objectifs.    

FeA : Comment maintiens-tu le climat de confiance avec les familles ? 

SZ : Si jamais en cours de route, nous croisons des difficultés, il est important de les nommer et de les exprimer. La communication de ses ressentis et la transparence sont importantes pour maintenir le climat de confiance et d’ouverture avec la famille.  

Il est aussi important de valider le confort et l’engagement des individus de façon régulière en cours de mandat. C’est à l’accompagnateur que revient cette responsabilité qui lui permet de garder le contrôle sur la démarche et livrer ce pour quoi il s’est engagé. 

Il est aussi important de leur faire vivre des petites victoires liées à la démarche. Cela permet de sentir le progrès et de maintenir l’engagement dans la démarche. 

FeA : Quand nous parlons de conseil de famille, quels sont les avantages d’avoir un accompagnateur ? 

SZ : Je distingue des avantages à deux niveaux. Premièrement, d’un point de vue individuel, ça permet à chacun de vivre pleinement la démarche en se centrant sur son développement personnel. L’individu peut se faire challenger sur ses croyances et ses comportements, réaliser des prises de conscience et amener ses réflexions personnelles à un autre niveau. Deuxièmement, d’un point de vue collectif, ça permet la facilitation du dialogue, la consolidation de l’équipe familiale (identité, cohésion, harmonie, complémentarité) et l’acquisition de notions clés possiblement méconnues. Enfin, le processus est aussi pensé sur mesure pour répondre aux enjeux spécifiques à la réalité de la famille.  

FeA : À l’opposé, est-ce que tu vois des désavantages ou des risques à avoir un accompagnateur? 

SZ : Le risque principal pour le client est de perdre son autonomie en se laissant porter par l’accompagnateur qui guide la démarche et en lui laissant la charge de faire les efforts pour atteindre les objectifs. Le client devient donc dépendant de sa présence pour encadrer la résolution des problèmes / conflits. Cette dynamique peut, quelquefois, générer deux autres enjeux :  

  1. Une diminution de l’implication du client dans sa démarche.  
  2. Un transfert de responsabilité de l’effort et du résultat du client vers l’accompagnateur. En d’autres mots, l’accompagnateur en vient à porter la responsabilité de la non-réalisation des objectifs. 

FeA : Nous parlons beaucoup d’accompagnement, toutefois, il existe plusieurs familles qui décident de ne pas aller chercher de l’aide-externe. De ton point de vue, quels sont les avantages et les risques de ce mode solo ?   

SZ : Le mode solo est tout à fait viable, si les facteurs de succès sont au rendez-vous. Parmi ces facteurs de succès, nous retrouvons une bonne dynamique et une saine harmonie entre les membres de la famille, le désir et l’engagement des membres de la famille à mettre l’effort pour atteindre leurs objectifs et se donner le temps pour y arriver.  

La démarche solo s’avère cependant très risquée en présence de système complexe (plusieurs générations qui cohabitent, continuité hybride…), de problématiques ingérables seuls et/ou de manque de tempsL’incapacité de certaines familles à percevoir et à gérer l’ensemble des facettes des sujets à traiter et le manque de cohérence dans les actions posées sont aussi des éléments qui peuvent affecter la démarche.  

Cependant, cette démarche a pour principale qualité de faire émerger des leaders dans la famille. Elle responsabilise les membres de la famille face à leur implication et les mobilise dans la démarche.  

FeA : Peux-tu nous décrire ce que tu entends par développement familial? 

SZ : Dans les entreprises dites classiques, nous parlons de développement professionnel des individus et de développement organisationnel. Dans les entreprises familiales, avant les professionnels et l’entreprise, il y a la famille. Ainsi, nous avons un niveau de développement préalable qui est le développement familial. Celui-ci nous assure de demeurer harmonieux et en cohérence pour le projet commun.  

Le développement familial est un exercice de conscience pour :  

  1. Se connaître en tant que famille (histoire, valeurs, aspirations profondes, archétypes, etc.) et conjuguer les besoins familiaux (individus / équipe) avec ceux de l’entreprise.  
  2. Identifier et abandonner les schèmes limitants (ex : des comportements, des attitudes, des dynamiques, etc.) qui peuvent nuire à la naissance de la famille en affaires (professionnalisée) et à la continuité de ses affaires. 
  3. S’actualiser en faisant des choix consensuels (ex : une nouvelle vision, de nouvelles valeurs, de nouvelles compétences, etc.) et en développant les compétences adéquates pour gérer en toute cohérence le projet familial.  

FeA : Quels sont, selon toi, les facteurs clés de succès de ce développement? 

SZ : Avant de commencer cette démarche, il est impératif que le désir de se lancer dans un tel processus de développement soit présent chez tous les membres de la famille. Deuxièmement, il faut être prêt à s’investir et à se donner le temps nécessaire au déroulement des étapes du processus. Enfin, les membres de la famille gagnent à adopter une approche exploratoire et une ouverture aux champs des possibles. Des attentes et des objectifs très élevés et précis risquent de mener à des frustrations et à des conflits encore plus importants.  

FeA : Nous parlons, de plus en plus, d’accompagnement multidisciplinaire pour les familles en affaires, quel est ton opinion par apport à ce type d’accompagnement ?   

SZ : Les familles en affaires ont des besoins divers et variés découlant des besoins humains, organisationnels et patrimoniaux. Ils sont en général entourés de plusieurs professionnels qui, souvent, ne se parlent pas ou ne se parlent pas suffisamment. Ils ne forment pas une équipe. Ainsi, le plus grand besoin que je souhaite soulever est le besoin de cohérence entre ces professionnels. Il doit avoir une planification pertinente des interventions, afin d’aligner le travail de chacun. C’est généralement à la famille de s’assurer que ses professionnels communiquent entre eux ou qu’il y ait un chef d’orchestre au sein de ceux-ci. Cet alignement est d’autant plus nécessaire en période de transition. 

Discussion sur l’accompagnement des familles en affaires avec Samia Zoheir2022-02-15T10:26:07-05:00

Portrait de Bill Bernholc de Lester’s Deli

Par Antoine Gence, chargé de projets chez Familles en affaires 

Bill Berenholc, plus connu sous le nom de « Monsieur Lester », est aujourd’hui à la tête de Lester’s Deli et d’autres entreprises en lien avec le smoked meat, ce sandwich mythique qui donne à Montréal sa saveur si particulière.

Lester’s Deli, avec ses 70 ans d’existence, représente bien plus qu’un simple restaurant. Ce restaurant est réellement devenu une institution culinaire dont le nom a traversé les générations et les guides touristiques. Toutefois, derrière ce nom se cache la famille Berenholc qui est à la tête du restaurant depuis 1956.

L’histoire de la famille commence avec Ruth, née au Québec de parents immigrants russes et d’Eddy arrivé de Pologne après la Seconde Guerre mondiale. En arrivant à Montréal, Eddy, marqué par la guerre et les pénuries alimentaires, avait l’objectif de travailler dans un restaurant afin d’assurer la sécurité alimentaire de sa famille et ne plus connaître la faim. Il commença alors à occuper plusieurs fonctions au sein de restaurants montréalais. Attiré par le smoked meat, il commença à apprendre par lui-même ce type de coupe de viande. L’engouement pour ce mets commença à se répandre à Montréal et cette compétence de découpe de la viande devenait de plus en plus demandée. C’est ainsi qu’en 1951, il fut approché par la famille Lester pour travailler dans leur nouveau restaurant Lester’s Deli. Après cinq ans au service du restaurant, la famille Berenholc eut l’occasion de reprendre le restaurant. Ils en firent l’acquisition en 1956.

Pour le Eddy, cette acquisition était l’opportunité de valoriser son talent et de développer un restaurant qui était déjà bien connu dans le quartier. Ce sont leur attachement à cette enseigne et le fait que tout le monde les associait à Lester’s Deli qui les ont poussés à garder ce nom même si celui-ci n’était pas le leur. Bien que le restaurant avait déjà une réputation, les efforts de la famille et la rigueur apportée dans les activités leur ont permis, avec les années, de bâtir une réelle institution dont le nom s’est progressivement exporté hors de Montréal.

Bill, très complice de son père Eddy, commença à s’impliquer naturellement dans le restaurant au début des années 1970. Riche d’études en marketing, il se rendait progressivement compte du potentiel du restaurant. Cette réalisation confirma son orientation professionnelle au sein de Lester’s Deli. Cependant, pour Bill il fallait valoriser son smoked meat en dehors du restaurant.

Bill était confronté à la difficulté de distribuer son smoked meat hors de son restaurant, car celui-ci nécessite une expertise de cuisson, de coupe et des conditions particulières de production. Face à cet enjeu, il commença à réfléchir à de nouvelles alternatives pour faire connaître son produit. C’est donc animé par cet enjeu qu’il se mit à chercher des alternatives. Il trouva alors une technique de conservation sous vide, très peu répandue dans les années 80, qui lui permettait de conserver les principales qualités de son sandwich tout en permettant son transport. Après plusieurs essais qui lui permirent d’optimiser le processus, il présenta le résultat à son père qui le laissa poursuivre son projet.

Animé par le nouveau potentiel de son smoked meat sous vide, il se mit en tête de le proposer à d’autres restaurants et bars sous le nom de Mr. Smoked Meat. Bill souhaitait ainsi protéger l’image de marque de Lester’s Deli. Cette nouvelle activité lui permettait de servir de nouvelles villes du Québec. Fier de ce succès, il commença à réaliser qu’il pouvait, lui aussi, distribuer son produit et décida d’ouvrir deux franchises entre 1982 et 1983. Face à la réussite de ces projets, son père commença à lui laisser la gestion de l’entreprise familiale.

Bill ne manquait pas de créativité pour valoriser ses produits et renforcer sa proximité auprès de la clientèle. Il a ainsi généralisé la prise de commande par téléphone au milieu des années 80 et permis un service de prise de commandes par fax à partir des années 90. C’est riche de ce paradoxe entre la tradition et l’innovation, si caractéristique aux entreprises familiales, que le restaurant a continué à attirer des clients. Une tradition liée aux recettes, aux méthodes de travail et au décor des lieux, et une innovation liée à la mise en valeur de l’expertise et des produits et la capacité à connecter avec une clientèle de plus en plus grande, c’est ce qui caractérise Lester’s Deli.

Dans cette perspective d’innovation, l’implication de la fille de Bill a permis la mise en place d’un service de commande en ligne. Ce service, initié par Bill, a maintenant un nouvel outil pour se développer. Ainsi, avec le soutien de la 3e génération, ils ont développé tout un service de commande en ligne pour les particuliers et pour les restaurants dans l’ensemble du Québec.

La plus grande préoccupation pour Bill se porte maintenant sur la meilleure façon de pérenniser son activité. À cet égard, il ne cache pas son inquiétude sur sa capacité à assurer la continuité de son activité qui est selon lui vouée à se transformer. Cette transformation rendra impossible le maintien de l’expertise et des méthodes de production traditionnelle. À 65 ans, il se voit bien prendre sa retraite, mais il ne se sent pas être la bonne personne pour accompagner toutes les transformations requises. Toutefois, aucun plan de relève n’est encore défini et, malheureusement, Bill n’est pas sûr de pouvoir conserver l’entreprise sous le giron de la famille.

Riche d’un patrimoine culinaire, Bill a réussi avec son père, sa fille et ses employés à créer une institution qui traverse les générations et les frontières. Ce lieu, au style des années 50, est volontairement conservé et transmet, dès notre entrée, une émotion singulière qui nous fait sentir l’âme de Lester’s Deli qui a réussi à traverser les époques en fêtant ses 70 ans cette année. À l’image de son succès, les murs du restaurant sont étoffés de photos et de manches de journaux qui retracent l’histoire et le passage de personnalités venues déguster un smoked meat chez M. Lester.

Portrait de Bill Bernholc de Lester’s Deli2022-01-07T08:48:31-05:00
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