Par Mélissa Laflamme-Ouellet, Chargée de projets à Familles en affaires
Amélie Rocheleau a participé à la cohorte 1 du Circuit | Sur la voie de la relève de Familles en affaires HEC Montréal. À ce moment, elle se questionnait sur la possibilité de rejoindre l’entreprise familiale, le Parc nature Éco-Odyssée, fondée en 1997 par son père et sa mère. Un an plus tard, elle décide de faire le grand saut! Nous l’avons donc rencontrée pour en savoir plus sur son processus décisionnel et sur cette nouvelle aventure.
Mélissa : Est-ce que la Covid a accéléré ta réflexion?
Amélie : J’ai enfin décidé de faire le saut à temps plein dans l’entreprise familiale! L’élément déclencheur a été de réaliser que nous avions suffisamment d’argent pour me payer un salaire à l’étude des états financiers. Je me suis alors dit : « Let’s go, je lâche mon job et on se lance! ». Je travaille désormais à temps plein chez Éco-Odyssée, même si nous sommes une entreprise saisonnière. C’est vraiment super.
En fait, le plan initial « pré-covid » était à l’effet que je quittais mon emploi le 1er mai 2020, et que je me lançais. Finalement, comme nous n’avons pas ouvert le parc nature au printemps en raison de la pandémie, que nous ne faisions pas d’argent et que tout était incertain, j’ai repoussé un peu mon arrivée. Finalement, dès que nous avons pu ouvrir, nous avons affiché complet tout l’été. Nos employés ont été vraiment géniaux et compréhensifs; nous avons ouvert Éco-Odyssée avec une semaine d’avis, alors qu’habituellement ça nous prend deux mois préparer le site.
Ça faisait deux ans que j’étais tiraillée entre deux emplois. J’imagine que c’est le cas pour beaucoup de participants du Circuit : tu as un travail, et tu t’investis un peu dans l’entreprise familiale. Maintenant, ça fait du bien de se lever le matin et de penser à une seule chose.

Clin d’oeil d’Annie
La décision de se joindre à l’entreprise familiale est un cheminement différent pour chacun/e des repreneurs. Les éléments déclencheurs pour Amélie témoignent de certaines des meilleures pratiques pour assurer un passage réussi : avoir travaillé ailleurs pour bâtir sa confiance en soi et sa crédibilité, pouvoir discuter avec d’autres repreneurs, joindre l’entreprise par commodité, et y être attendu et intégré.
Mélissa : Quels sont les projets à venir pour votre famille en affaires?
Amélie : Parc nature Éco-Odyssée a toujours été le centre des attractions touristiques pour notre entreprise. Maintenant, nous sommes à développer plein d’autres projets autour d’Éco-Odyssée pour que les gens puissent rester plus longtemps, avec un service d’hébergement et d’autres activités. Nous avons des projets courts, moyens et longs termes. L’été prochain, si tout va bien, nous aimerions amener le service de restauration, que nous n’offrons pas pour l’instant.
Nous avons aussi un projet de « refuge en nature »; nous avions déjà un gîte, mais ce projet est différent. Cela ressemble à des petites pièces qui proposent une fenêtre avec vue, ce qu’on appelle du « glamping[1] » dans notre jargon.
Un autre projet fait découler plein d’autres débouchés : nous travaillons depuis environ 6 mois avec une entreprise pour développer un sentier lumineux. Nous avons observé que dans la région d’Ottawa, un grand centre urbain avec environ 1M de visiteurs potentiels annuellement, il n’y avait pas vraiment d’offres du genre. Nous aimerions éventuellement aussi intégrer un labyrinthe d’eau, et permettre aux visiteurs de s’y promener la nuit pour assister à des projections lumineuses et interactives. Nous travaillons très fort sur ce projet; nous sommes présentement à la phase de monter notre plan financier qui représente plusieurs centaines de milliers de dollars. En découlera l’aménagement du sentier, la restauration, et le réaménagement entier du site.
Il faut avoir les reins solides, et nous considérons le fait de trouver d’autres partenaires financiers. Nous sommes rendus à l’étape de « vendre notre salade » auprès des institutions. Toute l’histoire est déjà montée, l’élaboration des coûts, etc. Nous sommes bien organisés.

Clin d’oeil d’Annie
La pérennité d’une entreprise familiale est fondée sur la culture entrepreneuriale transmise à la prochaine génération. La fibre entrepreneuriale assure la régénération de l’organisation, de sorte que celle-ci soit en cohérence avec son environnement, et perdure. Voilà d’excellents exemples de projets « intrapreneuriaux » pour explorer de quoi sera fait le futur d’Éco-Odyssée pour les 25 à 30 prochaines années, le mettre en place, et l’exploiter. Un beau témoignage du sens de la pérennité entrepreneuriale.
Mélissa : Crois-tu que ces projets vont permettre à tes parents de lâcher prise sur les opérations de Parc nature Éco-Odyssée?
Amélie: Ils ont leurs projets personnels, ils veulent faire ce qu’ils ont envie de faire. Ils veulent nous laisser prendre en charge, mon frère et moi, l’aspect tourisme et service à la clientèle. Ils ont des projets agricoles avec des serres pour produire des produits transformés locaux. Nous aimerions amener un aspect communautaire dans le projet, parce que nous avons beaucoup de terrains où les gens pourraient s’impliquer et apprendre. Nous fournirions la machinerie pour les appuyer. C’est ça leur projet de « retraite » de mes parents!
Mélissa : Comment ont évolué les relations entre ton père, ta mère, ton frère et toi? Il y a un an, à ton entrevue pour la participation au Circuit, j’ai eu la perception que le climat était quelque peu « tendu » au départ.
Clin d’oeil d’Annie
Je trouve particulièrement intéressant, dans les extraits en lien avec la relation d’Amélie et son frère avec leurs parents, les notions de réciprocité dans le partage des savoir-faire et du savoir être entre les générations. Mutuellement, les membres de la famille s’apprécient pour leurs connaissances et leurs habitudes de travail développées au fil du temps, ou sur les bancs d’école…et ce, malgré les épisodes de turbulence que cela peut engendrer (tout à fait normales par ailleurs!). Voilà toute la richesse de la gestion multigénérationnelle.
[1] Le glamping, contraction de glamour camping, est un type d’hébergement touristique alternatif proche du camping, mais qui propose des séjours en roulotte, yourte, maison arboricole, etc., joints à une certaine qualité de confort en matière de literie, de sanitaires et de restauration. (Wikipédia)